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Indiana Jones : la naissance d’un hĂ©ros populaire

Image tirĂ©e de l’affiche du film Indiana Jones et les aventuriers de l’arche perdue (1981)

Cet Ă©tĂ©, Harrison Ford revĂȘt Ă  nouveau son fedora et son manteau de cuir pour une cinquiĂšme et derniĂšre fois en tant qu’Indiana Jones, 42 ans aprĂšs la premiĂšre aventure du cĂ©lĂšbre aventurier archĂ©ologue. Le personnage est nĂ© d’une collaboration spontanĂ©e des cinĂ©astes George Lucas et Steven Spielberg. Amis de longue date, Spielberg avait rejoint Lucas sur une plage d’Hawaii alors que ce dernier se reposait de la production Ă©reintante de Star Wars qui prenait enfin l’affiche. Lucas demande Ă  Spielberg, qui venait de terminer le tournage de Rencontres du troisiĂšme type, quel serait son prochain projet. Celui-ci lui confie un fantasme : tourner le prochain film de James Bond. Lucas lui rĂ©pond qu’il a une idĂ©e bien meilleure qui reposerait sur les aventures d’un archĂ©ologue qui part Ă  la recherche de l’Arche d’alliance. EmballĂ© par la prĂ©misse de ce rĂ©cit aux accents des films Ă  Ă©pisodes de l’époque, Spielberg accepte la proposition de son ami sans avoir lu un scĂ©nario et mĂȘme s’il doit s’engager dans une trilogie.

Le duo se lance donc Ă  la recherche d’un scĂ©nariste pour Ă©crire
 Indiana Smith! C’est le nom que Lucas avait alors donnĂ© Ă  son hĂ©ros. Le prĂ©nom provient de son chien Indiana, gag qui sera incorporĂ© dans le troisiĂšme film de la sĂ©rie. Par contre, Spielberg et le scĂ©nariste Lawrence Kasdan, qui vient d’ĂȘtre embauchĂ©, dĂ©testent le nom de famille. Ils convainquent donc Lucas de le changer pour Jones. ÉpatĂ© par le style d’écriture de Kasdan, Spielberg lui avait achetĂ© un scĂ©nario (Deux drĂŽles d’oiseaux) et il le recommande chaudement Ă  Lucas, qui lui offrira Ă©galement de retravailler le scĂ©nario de son deuxiĂšme opus de Star Wars, Ă©pisode V : l’empire contre-attaque.

La prĂ©sence de l’Arche d’alliance est une suggestion du cinĂ©aste Philip Kaufman, qui avait auparavant travaillĂ© avec Lucas sur l’histoire. Bien qu’elle demeure au cƓur du rĂ©cit, Lucas, Spielberg et Kasdan se rĂ©unissent pour quelques sessions d’échanges d’idĂ©es. Leur approche est simple : imaginer ce qu’ils ont le goĂ»t de voir Ă  l’écran. C’est ainsi qu’on conçoit la fameuse sĂ©quence d’ouverture avec l’énorme rocher, la poursuite du camion et le tombeau avec les serpents. Par contre, on rĂ©alise vite que le film comporte trop d’élĂ©ments. Certains seront mis de cĂŽtĂ©, puis Ă©ventuellement recyclĂ©s par Lucas pour le prochain film, soit la confrontation Ă  Shanghai et la poursuite dans la mine. Parfois, les visions du personnage de Jones divergent : Lucas le voit en playboy Ă  la maniĂšre de Bond et expert de karatĂ©, tandis que Spielberg l’aimerait en joueur compulsif et alcoolique! Mais tous sont d’accord pour qu’il soit vulnĂ©rable et faillible.

« Steven Spielberg confie Ă  George Lucas son fantasme de tourner le prochain James Bond. Lucas lui rĂ©pond qu’il a une idĂ©e bien meilleure qui reposerait sur les aventures d’un archĂ©ologue qui part Ă  la recherche de l’Arche d’alliance. »

Satisfait du rĂ©sultat de la rĂ©Ă©criture du scĂ©nario par Kasdan, Lucas aimerait bien financer lui-mĂȘme la production, mais ses fonds sont dĂ©jĂ  placĂ©s dans le nouveau Star Wars. Il offre donc le film aux studios, dont Universal avec lequel il est toujours sous contrat. Mais, tout comme ils ont fait avec le premier Star Wars, ils dĂ©clinent le projet dont ils trouvent le budget de vingt millions trop considĂ©rable. Il faut dire que Lucas, fort de l’énorme succĂšs commercial de Star Wars, se montre excessivement exigeant sur les conditions du contrat : le studio doit financer entiĂšrement la production, mais Lucas conserve les droits de suite et les revenus des produits dĂ©rivĂ©s. Un autre irritant, impensable aujourd’hui, est la prĂ©sence de Spielberg derriĂšre la camĂ©ra. MalgrĂ© les immenses succĂšs des Dents de la mer et de Rencontres du troisiĂšme type, le rĂ©alisateur est rĂ©putĂ© pour ses Ă©normes dĂ©passements de budget, ce qui rend les studios frileux. Aussi, sa plus rĂ©cente offrande, la comĂ©die satirique 1941 vient de connaĂźtre un retentissant Ă©chec commercial. Finalement, c’est la Paramount qui relĂšve le dĂ©fi, avec une condition de premier refus sur les suites potentielles et une clause de pĂ©nalitĂ©s financiĂšres si le tournage excĂšde le budget allouĂ©. Le financement est dĂ©sormais en place, la production peut maintenant trouver son Indiana Jones!

AprĂšs plusieurs sessions de casting, on s’arrĂȘte sur un choix plutĂŽt surprenant : le comĂ©dien Tom Selleck. Spielberg aurait bien aimĂ© embaucher Harrison Ford, mais Lucas est rĂ©ticent Ă  l’idĂ©e de reprendre un acteur avec lequel il a dĂ©jĂ  travaillĂ©. C’est cette mĂȘme raison qui l’avait poussĂ© Ă  ne pas considĂ©rer Ford pour le rĂŽle de Han Solo, lui qui avait jouĂ© un rĂŽle secondaire dans le film de Lucas, Graffiti amĂ©ricain. Par contre, il y a un petit pĂ©pin avec le choix de Selleck : ce dernier est sous contrat avec la chaĂźne tĂ©lĂ©visĂ©e CBS pour une certaine sĂ©rie en prĂ©paration du nom de Magnum P.I. Voyant que son acteur est en demande, cette derniĂšre refuse de libĂ©rer sa future vedette. À quelques semaines du tournage, la production perd son acteur principal. Spielberg propose donc Ă  Lucas d’engager Ford. L’acteur se dit emballĂ© par le personnage et il se met mĂȘme Ă  prendre des cours de maniement de fouet.

La production se dĂ©roule sans trop d’anicroches, respectant le calendrier de 73 jours de tournage. Mais, l’une des sĂ©quences les plus iconiques du film est improvisĂ©e alors que Ford est atteint de dysenterie. Affaibli par la maladie, le comĂ©dien ne peut travailler qu’une heure ou deux lors de cette journĂ©e de tournage opposant Indiana Jones Ă  un imposant manieur d’épĂ©e. Si la scĂšne a Ă©tĂ© mĂ©ticuleusement prĂ©parĂ©e, Spielberg abandonne la chorĂ©graphie Ă©laborĂ©e et il dĂ©cide tout simplement que Jones le tirera avec son pistolet, un geste qui fera rĂ©agir positivement les spectateurs dans la salle. Ford est Ă©galement Ă  l’origine d’une des plus cĂ©lĂšbres phrases du film alors qu’il improvise la fameuse rĂ©plique : « It’s not the years, honey, it’s the mileage. »

Le film sort finalement en juin 1981. Plusieurs analystes ne croient pas trop Ă  ses perspectives commerciales, le plaçant loin derriĂšre les Superman II et L’ÉquipĂ©e du Cannonball, avec le cĂ©lĂšbre Burt Reynolds, qui doivent prendre l’affiche Ă  la mĂȘme pĂ©riode. Finalement, Les Aventuriers de l’arche perdue sera le film le plus populaire et rentable de l’annĂ©e avec des recettes mondiales de 350 millions de dollars. Il demeurera un impressionnant total de 40 semaines dans le top ten du box-office et il restera prĂšs d’un an sur les Ă©crans!

Cette nouvelle et derniĂšre aventure d’Indiana Jones, avec Ford du moins, sera le premier film sans la participation de Lucas. Et, cette fois-ci, Spielberg se contente du rĂŽle de producteur alors qu’il laisse sa place derriĂšre la camĂ©ra au rĂ©alisateur James Mangold. Lorsque le rideau tombera avec le brillant thĂšme du compositeur John Williams, gageons qu’il sera difficile de ne pas ĂȘtre Ă©mu d’assister Ă  la fin de cet incroyable accomplissement cinĂ©matographique qui se termine. |

Indiana Jones et le cadran de la destinĂ©e prendra l’affiche le 30 juin.