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Entrevue avec Ricardo Trogi

Crédit photo : Tzara Maud

Entrevue avec le réalisateur Ricardo Trogi pour la sortie du film 1995

Originaire de QuĂ©bec, Ricardo Trogi fait rapidement sa marque dans le monde du court mĂ©trage alors que ses films se distinguent dans plusieurs festivals, dont celui de Cannes. En 2002, son premier long mĂ©trage, QuĂ©bec-MontrĂ©al, remporte un Ă©norme succĂšs tant critique que populaire en plus de recevoir le Prix Jutra du meilleur film. En 2009, Trogi amorce sa fameuse sĂ©rie autobiographique avec 1981 qui sera suivi par 1987 (2014) et 1991 (2018). Son nouveau film, 1995, raconte sa participation Ă  l’édition 1994-1995 de l’émission tĂ©lĂ©visĂ©e La Course destination monde.

Qu’est-ce qui t’a fait tomber en amour avec le cinĂ©ma, puis donnĂ© le goĂ»t d’en faire ?

Enfant, j’ai Ă©tĂ© absorbĂ© par les Star Wars et Indiana Jones. Je me souviens que je sortais du cinĂ©ma dĂ©couragĂ© parce que je trouvais ma vie plate (rire). Puis, Ă  18 ans, j’ai dĂ©couvert Woody Allen et ça m’a shakĂ©. J’ai Ă©coutĂ© plein de ses films en quelques jours. Mon introduction au cinĂ©ma Ă©tranger s’est faite par un cours de cinĂ©ma que je suivais au CĂ©gep Garneau de QuĂ©bec. Il fallait aller voir un film au Festival international du film de QuĂ©bec Ă  cette Ă©poque. J’avais choisi Hector, une comĂ©die dramatique belge. J’avais vraiment pognĂ© de quoi en voyant ça (rire). Entre mes 17 et 21 ans, j’étais un grand cinĂ©phile. J’allais souvent au cinĂ©ma voir n’importe quoi (rire).

Que peux-tu nous dire de ton expĂ©rience Ă  La Course destination monde ?

C’était le supplice audiovisuel (rire). Je travaillais seul. Mais Ă©crire et rĂ©aliser, c’était le top ! C’était un drĂŽle de voyage dans lequel je me sentais en mission.

Au cinĂ©ma, tu as rapidement fait ta marque avec ton premier long mĂ©trage, QuĂ©bec-MontrĂ©al (2002). Quels souvenirs gardes-tu de la production ?

Le concept a Ă©tĂ© dur Ă  vendre. Les institutions financiĂšres ne comprenaient pas qu’un film se dĂ©roule seulement avec des autos. Je ne savais pas trop quoi leur rĂ©pondre, mais j’ai eu raison (rire). Je crois que les propos du film ont finalement intĂ©ressĂ© le monde. Un des meilleurs souvenirs que je garde est le montage de ma premiĂšre scĂšne. Il s’agissait d’un petit bout entre les personnages de Pierre-François Legendre et Julie Le Breton. Tout de suite, j’ai vu que le ton que je voulais donner au film fonctionnait. Dans les annĂ©es 1970-80, le joual Ă©tait trĂšs utilisĂ© dans les films. Je trouvais que ça s’était perdu dans les annĂ©es 1990 avec l’utilisation d’un français un peu bizarre (rire). Le dĂ©fi que je m’étais imposĂ© Ă©tait celui d’écrire des dialogues crĂ©dibles.

Tout comme QuĂ©bec-MontrĂ©al, Horloge biologique (2005) a Ă©tĂ© Ă©crit avec les mĂȘmes deux coscĂ©naristes, Patrice Robitaille et Jean-Philippe Pearson. Comment s’est dĂ©roulĂ©e cette collaboration ?

Chacun s’occupait de l’histoire d’un personnage, qu’on a combinĂ© ensuite pour le premier jet du scĂ©nario. L’avantage de fonctionner comme ça, c’est que le film s’est Ă©crit super vite (rire). C’était aussi sĂ©curisant pour amorcer une carriĂšre. Nous Ă©tions trois pour rĂ©pondre aux questions des producteurs et des distributeurs. C’est plus facile Ă  vendre !

Quel a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de ce retour sur ton enfance avec 1981 (2009) ?

J’étais en Ă©criture d’un scĂ©nario pour un projet qui n’a finalement pas abouti. Je prenais un break quand je me suis lancĂ© dans cette idĂ©e de facture narrative comme si un voisin contait une histoire. J’avais le goĂ»t de m’adresser Ă  ma gĂ©nĂ©ration. Ce n’était pas prĂ©vu que mon film intĂ©resse les jeunes. Je ne pensais pas atteindre ce public. J’ai pas mal d’amis ados sur Facebook (rire) !

Comment tes parents ont-ils vĂ©cu l’expĂ©rience de se voir Ă  l’écran ?

Mon pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ© avant la sortie de 1987, mais quand il est venu sur le plateau du premier film, il a vraiment pognĂ© de quoi en voyant mes « parents ». Il trouvait ça weird (rire). Il Ă©tait trĂšs surpris par la reconstitution historique. Il trouvait que Jean-Carl Boucher me ressemblait. Il a bien aimĂ© le film et il Ă©tait surpris que du monde puisse s’y intĂ©resser (rire).

« Si je dĂ©cide d’en faire un dernier, ça se situerait en 1999. Je pense que j’ai une bonne histoire que je pourrais raconter (rire). »

Justement, qu’as-tu vu en Jean-Carl Boucher pour le choisir comme ton alter ego ?

J’ai passĂ© plusieurs jeunes en audition. Francis Leclerc, un ami, venait de tourner son film Un Ă©tĂ© sans point ni coup sĂ»r et il m’a parlĂ© de ce jeune comĂ©dien qu’il trouvait brillant. À ce moment, Jean-Carl avait 13 ans et mon personnage 11. Ça paraĂźt Ă  cet Ăąge, cette diffĂ©rence, et ça me convenait. Ce qui est drĂŽle, c’est que Jean-Carl est plus petit que moi et quand les gens me rencontrent, ils sont toujours Ă©tonnĂ©s de me voir plus grand (rire).

1981 a rĂ©vĂ©lĂ© au grand public Sandrine Bisson, qui incarne ta mĂšre. Le choix s’est-il imposĂ© de lui-mĂȘme ?

J’ai auditionnĂ© des comĂ©diennes plus connues pour le rĂŽle, mais c’est une agente de casting qui insistait pour Sandrine. À la premiĂšre audition, certains la trouvaient trop rough. Je l’ai quand mĂȘme ramenĂ©e pour une deuxiĂšme et il y avait encore un peu de rĂ©ticence. J’ai donc dĂ©cidĂ© de montrer son audition Ă  ma sƓur qui, aprĂšs tout, connaĂźt bien le personnage. Tout de suite, elle s’est exclamĂ©e : « C’est notre mĂšre ! » (rire) Il y en a qui trouvait le personnage pas fin dans le scĂ©nario. Finalement, plein de gens ont trouvĂ© une rĂ©sonance auprĂšs d’elle.

Avais-tu dĂ©jĂ  en tĂȘte l’idĂ©e de faire d’autres films autobiographiques ou tu les as approchĂ©s un Ă  la fois ?

Un Ă  la fois. En fait, l’idĂ©e de faire 1987 (2014) est venue avec la possibilitĂ© de travailler avec un plus gros budget et d’évacuer mes frustrations du premier film (rire). Je voulais raconter les premiers feelings quand tu sors avec tes chums. J’avais aussi dĂ©veloppĂ© le plaisir de travailler avec des plus jeunes. Ils Ă©taient comme des petits soldats en mission. Ils Ă©taient vraiment dedans. Une belle gang !

Le Mirage (2015) est le premier film que tu as rĂ©alisĂ© dont tu n’as pas Ă©crit le scĂ©nario. Qu’est-ce qui t’attirait dans cette histoire ?

J’ai lu le scĂ©nario, qui a Ă©tĂ© Ă©crit par Louis Morissette, et je trouvais que ça me ressemblait, qu’il y avait des liens avec Horloge biologique. Si Louis m’a choisi, c’est qu’au fond, il aime ce que je fais (rire).

La musique occupe une place importante dans tes films. Quel est ton lien avec celle-ci et est-ce que c’est difficile d’en obtenir les droits ?

Pendant l’écriture de mes scĂ©narios, je compose toujours une playlist. Mais je ne cherche pas prĂ©cisĂ©ment Ă  mettre telle chanson. Je fonctionne avec les tounes qui fittent le plus. Ça peut coĂ»ter trĂšs cher, quasiment le prix d’une maison (rire) ! C’est pour ça que je n’ai pas encore rĂ©ussi Ă  mettre du Aerosmith, Bon Jovi ou U2 !

Pour 1995, est-ce que l’écriture devient plus facile avec un quatriĂšme film ou, au contraire, c’est un exercice encore difficile ?

Je dirais que c’est plus facile. À chaque fois, c’est une autre histoire. Le personnage est plus vieux aussi, donc on est ailleurs. J’approche chaque film comme s’il Ă©tait fait indĂ©pendamment de l’autre.

Quels Ă©taient les dĂ©fis de tourner Ă  l’étranger ?

Pour 1991, j’étais allĂ© filmer en Italie, ce qui Ă©tait super (rire). Ici, c’était au Maroc et c’est un peu plus rough (rire). J’aborde la troisiĂšme semaine de la compĂ©tition lorsque j’étais en Égypte et que je dĂ©couvrais le pays au jour le jour. J’essaye de trouver un sujet de film qui doit durer quatre minutes en espĂ©rant que le ciel ne me tombe pas sur la tĂȘte. C’est un film plus dur et riche qui, je pense, sera plus intĂ©ressant. J’ai hĂąte de connaĂźtre les rĂ©actions des anciens participants de l’émission.

D’ailleurs, ta premiĂšre bande-annonce faisait un joli petit clin d’Ɠil au film d’un ancien participant, soit Denis Villeneuve et son Dune. Il a aimé ?

Je lui avais d’abord demandĂ© la permission. Il a bien ri.

Tout comme Denis Villeneuve, est-ce un rĂȘve que tu portes en toi de vouloir faire un film Ă  Hollywood ?

Pas nĂ©cessairement. J’ai une vie de rĂȘve oĂč je peux tourner ce que j’écris. Si l’occasion arrive et qu’on me demande de faire un remake de 1981, je serais intĂ©ressĂ© (rire). Mais je ne mets pas d’énergie lĂ -dessus. Ce n’est pas une prioritĂ© pour moi. Je ne manque de rien (rire). |

La comĂ©die 1995 prend l’affiche le 31 juillet.