|

Par

Cinéma – Mode d’emploi : Maxine Gervais, coloriste

Crédit photo : Patrik Giardino

Le métier de coloriste au cinéma est presque poétique… On a l’impression que c’est un artiste qui peint une toile d’une scène à l’autre, et on n’est quand même pas si loin de ça ! Le ou la coloriste, aussi appelé étalonneur, est un professionnel chargé de la correction et de l’amélioration des couleurs d’un film. Le terme « étalonnage » est en fait une référence aux réglages et corrections de la couleur d’une image. Le processus de colorisation implique l’ajustement de la luminosité, du contraste, de la saturation et de la teinte des images pour créer une atmosphère visuelle pour chaque scène et s’assurer que l’aspect visuel du film est cohérent et esthétique.

Originaire de Québec, Maxine Gervais est une coloriste réputée à Hollywood depuis 2004. Après avoir tenté sans succès de trouver du travail au Québec, elle a été appelée par Hollywood pour travailler sur le film Harry Potter and the Goblet of Fire. Depuis, elle continue d’être sollicitée pour des contrats dans la capitale du cinéma américain.

Diplômée en arts visuels de l’Université Laval, Maxine Gervais a également suivi une formation au privé en multimédia et a travaillé pour l’une des premières compagnies à avoir développé les logiciels d’effets visuels. Bref, petit à petit, elle a su faire son chemin vers le métier de coloriste. Pour réussir dans le domaine, une personne doit avoir un œil créatif, une compréhension technique, une connaissance des films et aussi, selon elle, être prête à sacrifier du temps personnel et avoir bien de la patience !

Si on parle beaucoup de direction photo au cinéma, une directrice ou un directeur photo se doit de s’associer avec un ou une coloriste et d’avoir la même vision. « Il y a toujours une belle collaboration entre moi et le directeur photo. Lorsque la loyauté et la compréhension s’installent, c’est presque de la magie. Traditionnellement, le travail se faisait en laboratoire et quand j’ai commencé, c’était presque ça, un travail de laboratoire, mais numérique. Aujourd’hui, c’est de plus en plus un travail en temps réel, comme les studios donnent de moins en moins de temps pour tourner. C’est souvent une course contre la montre pour travailler les couleurs au moment où le tournage se fait », explique Maxine Gervais. Si on peut dire que c’est un travail d’équipe, il y a beaucoup de moments en solo dans le métier. « Quand j’ai plusieurs projets, j’ai mon bras droit qui m’aide, mais en général, c’est seulement moi, en collaboration tout de même avec le directeur photo, le réalisateur et les producteurs qui parfois vont venir à la dernière session. »

Le métier de coloriste au cinéma, presque poétique, marie art visuel et technique.

C’est en postproduction que la coloriste entre le plus en jeu, car c’est à ce moment que les images sont éditées pour créer le film final. Le coloriste fera un travail de correction colorimétrique, corrigeant les éventuels problèmes de couleur sur les images comme les variations de luminosité ou de contraste entre les plans. Ce professionnel fera aussi l’étalonnage des couleurs. La collaboration avec le réalisateur et le directeur photo est très importante pour déterminer la direction artistique de l’image, le look et l’atmosphère pour que la couleur puisse aider la ligne narrative du film, explique Maxine Gervais. « Une fois le look déterminé, je vais créer une ou plusieurs LUT (ndlr : look-up table ou une table de recherche, soit un fichier numérique qui transforme la couleur et les détails d’une image). Ce travail permet de donner le look général aux rushs pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. Une fois que l’image est montée, ma première étape est l’étalonnage pour que les scènes soient balancées malgré les changements de température ou de localisation d’une même scène. Je travaille donc la couleur, la densité, le contraste par exemple. Une fois cette étape terminée, on peut élaborer sur les looks, être conservateur ou encore pousser l’image plus loin avec des jeux de lumière, des vignettes, des dégradés, etc. »

Est-ce qu’il y a des styles qui demandent plus de travail ou qui apportent plus de difficultés que d’autres ? « Autant les films tournés sur écran vert avec beaucoup d’effets spéciaux que des films tournés avec un décor, naturel ou en studio, ont leurs difficultés. Mais souvent, ce ne sont pas les films à gros budget ou les films avec énormément d’effets spéciaux qui sont les plus difficiles, malgré ce que l’on pourrait penser ! » Dans cette industrie, souligne Maxine Gervais, on n’est jamais aussi bon que son dernier film ! Chaque projet est donc un défi. Un autre défi aussi est de garder la loyauté de ses collaborateurs.

À Hollywood, Maxine Gervais a eu la chance de travailler avec plusieurs réalisateurs de renom, dont les Duffer Brothers, Robert Zemeckis (avec qui elle travaillera à nouveau sous peu pour son prochain film, Here, mettant en vedette Tom Hanks) et surtout pour Clint Eastwood avec qui elle a travaillé sur plusieurs films dont The Mule (La Mule), American Sniper (Tireur d’élite américain) et Richard Jewell. « J’ai travaillé sur sept films avec Clint (Eastwood), mais mon récent changement de studio fait que je ne pourrai pas travailler sur son plus récent. À 93 ans, c’est plus facile pour lui de garder l’équipe des studios Warner pour le son et les couleurs. Je reste tout de même proche de lui et même de sa fille. Il reste un de mes clients préférés et aura toujours une belle place dans mon cœur. »

Est-ce que le cinéma Le Clap a inspiré Maxine Gervais dans son choix de métier ? « Le Clap a toujours été mon cinéma de répertoire préféré ! Je n’ai que de bons souvenirs rattachés à ce cinéma et de tous les films que j’ai pu voir au Clap lorsque j’étudiais à l’Université Laval. » |