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Cinéma – Mode d’emploi : le doublage

Vous allez au cinéma et lors de la projection, vous êtes distrait par la voix d’un des personnages. Elle vous semble familière, mais vous n’arrivez pas à l’identifier. Eh bien, vous n’êtes pas fou. Il se peut fort bien que la voix soit celle d’une ou d’un comédien québécois, puisqu’ils sont nombreux à prêter leur voix pour le doublage des productions hollywoodiennes. Par exemple, le comédien Bernard Fortin a doublé de nombreux films mettant en vedette Tom Hanks et Woody Harrelson.

En temps normal, on ne publicise pas le nom des comédiens qui prêtent leur voix aux versions françaises doublées au Québec. Cela pourrait s’avérer être une distraction pour les spectateurs lorsqu’ils visionnent un film. Il en va autrement pour les films d’animation où les voix des vedettes sont souvent mises de l’avant comme têtes d’affiche pour attirer les cinéphiles. C’est le cas de Toupie et Binou, le film qui a pris l’affiche cet été sur nos écrans et qui rassemble une belle brochette de comédiens d’ici dont Xavier Dolan, Anne Dorval, Stéphane Rousseau et Geneviève Schmidt, entre autres.

Bien entendu, on retrouve également Marc Labrèche au générique, qui incarne avec enthousiasme le personnage de Toupie depuis sa toute première apparition sur les ondes de Télé-Québec en 2005. Toupie est une souris enjouée qui voit le monde de façon unique grâce à son imagination complètement débridée. Un personnage qui, disons-le, est à l’image de celui qui l’interprète… Afin d’en apprendre davantage sur le doublage, MonCiné a saisi l’occasion d’en parler avec Marc Labrèche, un artiste unique du paysage québécois qui, à travers les années, a prêté sa voix à de nombreux autres personnages au cinéma.

« Un mauvais doublage, ça s’entend très vite. On fait même des sketches sur les créations mal doublées! »

En effet, il est notamment la voix du personnage interprété par Jim Carrey dans Ace Ventura mène l’enquête et celle de Donatello dans Les Tortues Ninja, deux films cultes des années 1990. Jusqu’en 2007, il a fait la voix du personnage de Krusty le clown dans la télésérie populaire Les Simpson et, plus récemment, celle d’Olaf, l’heureux bonhomme de neige dans La reine des neiges des studios Disney. Si Marc Labrèche parle de doublage en toute humilité, ce n’est certainement pas parce qu’il manque d’expérience en la matière, mais plutôt par respect pour celles et ceux qui pratiquent le doublage comme métier principal. « Je n’en fais pas beaucoup, mais lorsque l’on m’appelle et que je suis disponible, je suis heureux de le faire… Et c’est souvent pour de l’animation que l’on fait appel à moi, insiste-t-il. Le cinéma d’animation me va mieux. C’est plus ma tasse de thé que le doublage traditionnel. Épouser la respiration d’un autre acteur et jouer fidèlement son rôle, ce n’est pas tout à fait le même exercice. L’animation, c’est de loin ce que je préfère! »

En effet, le doublage traditionnel comme l’entend Marc Labrèche requiert des talents bien spécifiques. Le doubleur doit posséder un très bon sens de l’observation et doit ajuster son jeu en fonction de l’acteur à l’écran. La gestuelle, le mouvement des lèvres, les intonations et surtout la respiration doivent être interprétés fidèlement par le doubleur qui n’a pas toujours le luxe du temps pour analyser ces aspects en profondeur. « Le travail qu’il y a à faire n’est pas négligeable par rapport à celui d’un acteur de cinéma. Bien entendu, il faut jouer, mais il faut jouer avec l’acteur que l’on double. Cela prend un talent particulier, un vrai talent de comédien pour bien le faire, précise Marc Labrèche. Celles et ceux qui le font bien arrivent vraiment à jouer avec l’acteur qu’ils doublent et à l’investir totalement pour faire en sorte que l’on y croit pour vrai. Un mauvais doublage, ça s’entend très vite. On fait même des sketches sur les créations mal doublées! J’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui en font sur une base régulière et qui développent ce talent qui est à la fois très technique et précis. »

Il s’agit donc d’un métier à part entière. Marc Labrèche dément ainsi la croyance populaire disant que le doublage est une voie de sortie pour les acteurs qui n’ont pas réussi à décrocher de rôles à l’écran. Avoir une belle voix et lire son texte n’est pas suffisant. Il tient à nous rappeler qu’il y a de grands comédiens d’ici qui pratiquent le doublage. Il mentionne Xavier Dolan, reconnu pour être la voix de Ronald Weasley dans la série de films Harry Potter, et Anne Dorval, qui a doublé la voix de nombreuses actrices dont Robin Wright pour la série House of Cards et le film Blade Runner 2049.

Pour interpréter la voix de Toupie, la souris, Marc Labrèche a donc bénéficié d’une plus grande liberté, puisque Toupie est non seulement un personnage animé, mais également une création cent pour cent québécoise. Le défi était plutôt de trouver la voix d’un personnage imaginaire, un processus que Marc Labrèche décrit comme étant instinctif et moins rigide. Après tout, l’énergie et la frénésie de Toupie ne sont pas sans rappeler son humour décalé : comme avec Toupie, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre avec lui. « Il y a dans Toupie une musique et une respiration québécoises, avec le côté absurde que l’on peut avoir dans notre humour et que beaucoup de gens comprennent, même les enfants! Moi, j’ai vraiment du plaisir quand j’ai l’impression de me retrouver dans mon rôle de père qui raconte des histoires à ses enfants et qui prend de drôles de voix. »

Mission accomplie! Car la série télévisée Toupie et Binou, un énorme succès, a voyagé à travers le monde. Elle a été diffusée dans plus d’une centaine de pays et traduite en trente langues. Cela veut dire que des comédiens à travers le monde entier ont dû doubler la voix de Marc Labrèche afin de reproduire avec authenticité l’esprit de Toupie qu’il a créé. Ce qui représente un exploit en soi et un phénomène plutôt rare dans le paysage québécois de l’animation. |