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Entrevue avec Éric Bruneau

Crédit photo : Magali Bragard

Entrevue avec l’acteur Éric Bruneau pour la sortie du film CrĂ©puscule pour un tueur

NĂ© Ă  Saint-Jean-sur-Richelieu en 1983, Éric Bruneau a voulu dĂšs son jeune Ăąge ĂȘtre comĂ©dien. AprĂšs le secondaire, il poursuit son parcours scolaire en Ă©tudes thĂ©Ăątrales au CĂ©gep de Saint-Hyacinthe, puis Ă  l’École nationale de thĂ©Ăątre du Canada de 2002 Ă  2006. Alors qu’il est toujours Ă  l’école, il dĂ©croche son premier rĂŽle, au cinĂ©ma de surcroĂźt, dans un film d’AndrĂ© Forcier. Éric Bruneau alterne aisĂ©ment entre le cinĂ©ma, la tĂ©lĂ©vision et le thĂ©Ăątre, touchant du mĂȘme coup Ă  tous les genres de rĂŽles. Dans cet entretien, le comĂ©dien fait un tour d’horizon de ses liens avec le cinĂ©ma et de sa filmographie.

Est-ce que le cinéma a toujours fait partie de ta vie?

Absolument! Je garde de prĂ©cieux souvenirs d’avoir traĂźnĂ© dans les clubs vidĂ©o et passĂ© des soirĂ©es en famille Ă  Ă©couter des films. En fait, tous les vendredis et samedis soir, nous allions louer deux films : un familial pour mon frĂšre et moi et un autre pour mes parents, qui, parfois, nous laissaient le regarder avec eux (rire). Souvent, les jeudis, nous allions au cinĂ©ma en famille. Je me souviens encore trĂšs bien d’avoir vu les suites de Retour vers le futur sur le grand Ă©cran ou encore Hook de Steven Spielberg (rire)! Enfant, ces films ont laissĂ© une grande impression sur moi.

As-tu toujours rĂȘvĂ© d’ĂȘtre comĂ©dien?

Je dirais oui, mais pas Ă  cause d’un acteur ou de films que je regardais. En fait, ce qui m’a poussĂ© Ă  devenir comĂ©dien, ce sont les pĂ©riodes de grands dĂ©brouillages de Super Écran (rire). Mon pĂšre enregistrait alors tous les films qui Ă©taient diffusĂ©s gratuitement. Il devait sĂ»rement se lever la nuit pour changer la cassette VHS (rire)! Souvent, entre les films, il y avait des segments making of de films, des reportages dans les coulisses des productions. Ça me fascinait de voir ces images sur les plateaux de tournage et d’en apprendre plus sur la production des films. Ensuite, j’ai Ă©tĂ© gĂątĂ© avec l’arrivĂ©e des DVD! Parfois, ils contenaient plein de documentaires, souvent plus intĂ©ressants que les films eux-mĂȘmes (rire). HonnĂȘtement, Ă  l’occasion il m’arrivait de mĂȘme pas le regarder. Je n’écoutais que les supplĂ©ments! C’est ça qui m’a vraiment donnĂ© le goĂ»t de faire ce mĂ©tier.

Peux-tu nous dire comment un Ă©tudiant de dix-neuf ans en vient Ă  dĂ©crocher le rĂŽle principal d’un film d’AndrĂ© Forcier?

Quelle histoire de fou (rire). Je suis en deuxiĂšme annĂ©e Ă  l’École de thĂ©Ăątre. On entend qu’AndrĂ© Forcier cherche pour son prochain film un comĂ©dien pour jouer le rĂŽle d’un jeune qui rĂȘve de devenir acteur. Une des mes enseignantes lui parle de moi. Pendant une pause, il vient mĂȘme m’observer Ă  mon insu en venant prendre un cafĂ© Ă  la cafĂ©tĂ©ria de l’école (rire). Je ne l’ai su que par aprĂšs, car mĂȘme si j’avais vu quelques-uns de ses films, je ne savais pas Ă  quoi il ressemblait (rire)! Je reçois donc une offre d’aller passer une audition. Et Ă  mon grand Ă©tonnement, je dĂ©croche le rĂŽle! Mais, il y a un lĂ©ger souci! En thĂ©orie, un Ă©lĂšve ne peut pas travailler pendant ses Ă©tudes. J’ai donc obtenu une dĂ©rogation, car en plus, on partait tourner un peu partout dans le monde. Je m’engage donc Ă  reprendre mes cours de la session et j’en ai mĂȘme fait crĂ©diter un (rire).

« Je n’ai pas vraiment de plan de carriĂšre. Je n’ai pas de liste qui contient le genre de rĂŽles que j’aimerais jouer. J’y vais au grĂ© du moment. J’aime juste me glisser dans un personnage et servir la vision d’un rĂ©alisateur. »

Comment s’est dĂ©roulĂ© cette expĂ©rience sur Les États-Unis d’Albert?

Assez intimidant! VoilĂ  que je me retrouve dans le dĂ©sert de l’Arizona avec Roy Dupuis, CĂ©line Bonnier et Émilie Dequenne qui avait reçu le prix de la meilleure actrice Ă  Cannes pour le film Rosetta des frĂšres Dardenne quelques annĂ©es plus tĂŽt. Heureusement que je possĂ©dais une belle naĂŻvetĂ© (rire). C’est certain que c’était parfois surrĂ©el, mais j’ai Ă©tĂ© trĂšs choyĂ© de vivre un plateau de la sorte comme premiĂšre expĂ©rience. Roy Dupuis m’a vraiment pris sous son aile, agissant comme protecteur. Mais, sĂ©rieusement, toute l’équipe a Ă©tĂ© d’une grande gentillesse mĂȘme si tout se dĂ©roulait assez vite.

Quelle impression le cinĂ©aste t’a-t-il laissĂ©e?

Tout d’abord, ses scĂ©narios sont tellement bien Ă©crits. Il y a vraiment une rythmique dans ses dialogues. Ensuite, sur un plateau, il sait ce qu’il veut. Il n’y a pas vraiment de place pour l’improvisation. Il ne tourne pas beaucoup de prises. Il est trĂšs efficace malgrĂ© ce qu’on pourrait penser Ă  cause de ses univers Ă©clatĂ©s.

Tu as Ă©galement eu la chance de tourner avec Xavier Dolan pour Les Amours imaginaires et Laurence Anyways. Que peux-tu nous dire sur lui?

Je connais Xavier depuis longtemps. À l’origine, je devais interprĂ©ter un petit rĂŽle dans J’ai tuĂ© ma mĂšre. C’était un rendez-vous manquĂ©, mais j’ai effectivement eu la chance de rejouer pour lui. Xavier est tout ce que tu veux qu’un rĂ©alisateur soit! Il est complĂštement investi. Il existe entre son Ă©quipe technique et lui un lien tellement respectueux qui fait d’eux une Ă©quipe vraiment dynamique sur un plateau. Lui aussi sait ce qu’il veut et il n’hĂ©site pas Ă  prendre tous les moyens nĂ©cessaires pour permettre Ă  ses comĂ©diens de se sentir Ă  l’aise afin de tirer le meilleur d’eux.

Tu as Ă©galement eu la chance de tourner pour Denys Arcand dans Le RĂšgne de la beautĂ©. Comment s’est dĂ©roulĂ©e cette expĂ©rience?

J’avais croisĂ© Denys et il m’avait parlĂ© briĂšvement de l’histoire d’un scĂ©nario qu’il Ă©crivait. Puis, une semaine plus tard, je reçois un courriel de sa part me demandant si j’aimerais auditionner pour un rĂŽle. Disons que je n’ai pas hĂ©sitĂ© longtemps (rire). Je me suis donc prĂ©sentĂ© sur place. Il me demande de dire quelques lignes et ajoute qu’il me reviendrait dans un mois environ avec une rĂ©ponse. Il a vraiment tenu parole et, un mois plus tard, il m’annonçait que j’avais le rĂŽle. Une expĂ©rience extraordinaire avec presque un an de tournage! Denys est quelqu’un de trĂšs pudique, mais il est vraiment cultivĂ© et intelligent. Sur un plateau, il possĂšde une belle dĂ©licatesse. C’est trĂšs stimulant de travailler avec lui. Il est intĂ©ressant de voir comment il laisse aller sa camĂ©ra sur nous. Ça Ă©tĂ© un grand privilĂšge dans ma carriĂšre de jouer pour lui.

Que peux-tu nous dire sur ton prochain film Crépuscule pour un tueur?

C’est un film sur le crime organisĂ© quĂ©bĂ©cois dans lequel j’incarne le tueur Ă  gages Donald Lavoie, un des tueurs les plus prolifiques d’ici. On assiste Ă  ce qui l’amĂšne Ă  se retourner contre le clan Dubois pour lequel il travaillait afin de collaborer avec la police. Le film se dĂ©roule Ă  la fin des annĂ©es 1970 et il possĂšde une facture plutĂŽt intimiste. Le rĂ©alisateur Raymond St-Jean a fait un super boulot, considĂ©rant que le film a Ă©tĂ© tournĂ© avec les restrictions sanitaires pendant la pandĂ©mie.

Quels étaient les défis à relever en tant que comédien pour ce film?

Incarner un personnage comme celui-ci est quand mĂȘme assez dĂ©licat. On ne veut pas le glorifier ni le rendre trop sympathique. La ligne est parfois mince, mais pour ma part, je crois qu’on a bien rĂ©ussi ici. C’était aussi un dĂ©fi d’habiter la psychologie d’un tel personnage. J’ai regardĂ© quelques entrevues de lui. J’ai Ă©galement eu la chance de rencontrer une profileuse criminelle qui m’a fait comprendre beaucoup de choses sur la psychologie de ces types de personnalitĂ©s. J’ai aussi rencontrĂ© des gens qui connaissaient Lavoie et l’un d’eux m’a dit que la clĂ© Ă©tait les yeux. Ces membres du crime organisĂ© sont souvent nerveux, trĂšs attentifs Ă  ce qui se passe autour d’eux, car ils savent qu’ils demeurent des cibles vulnĂ©rables. C’était trĂšs intĂ©ressant Ă  jouer.

En terminant, qu’aimerais-tu accomplir que tu n’as pas encore fait?

Je n’ai pas vraiment de plan de carriĂšre. Je n’ai pas de liste qui contient le genre de rĂŽles que j’aimerais jouer. J’y vais au grĂ© du moment. J’aime juste me glisser dans un personnage et servir la vision d’un rĂ©alisateur. Ceci dit, si un jour Denis Villeneuve, Sam Mendes ou Martin Scorsese me veulent dans un de leurs films, c’est certain que je vais dire oui (rire)!  |