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Entrevue avec François Desagnat

Entrevue avec le réalisateur François Desagnat pour la sortie du film Zaï Zaï Zaï Zaï (2022)

RattachĂ© avec bonheur Ă  la rĂ©alisation de comĂ©dies, le cinĂ©aste François Desagnat nous en propose une nouvelle, soit l’adaptation de la bande dessinĂ©e de Fabcaro, ZaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ. S’il a souvent naviguĂ© dans les eaux de la comĂ©die grand public (Adopte un veuf) ou encore pour ados (Les Onze Commandements), il plonge cette fois-ci dans un univers absurde Ă  l’image du ton unique proposĂ© depuis dix ans par Fabcaro dans le milieu du 9e art. ZaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ, dont le titre s’inspire du refrain de la cĂ©lĂšbre chanson Siffler sur la colline de Joe Dassin, a Ă©tĂ© publiĂ© en 2015 et a Ă©tĂ© vendu dans les pays de la francophonie Ă  prĂšs de 200 000 exemplaires. Immense succĂšs qui amena des producteurs Ă  s’y intĂ©resser afin d’en proposer l’adaptation au grand Ă©cran. L’histoire de la BD, tout comme celle du film (qui, lui, prend la forme d’un road movie), est celle de Fabrice (jouĂ© par Jean-Paul Rouve) qui se retrouve pourchassĂ© par les forces de l’ordre simplement pour avoir oubliĂ© sa carte de fidĂ©litĂ© alors qu’il passait Ă  la caisse au supermarchĂ©. Rencontre avec le cinĂ©aste qui donne des dĂ©tails sur la crĂ©ation de sa comĂ©die.

Fabcaro a un humour trĂšs personnel qui ne se rapproche pas nĂ©cessairement de ce vous aviez fait jusqu’ici en comĂ©die, non?

C’est vrai. De par ma filmographie, j’ai la rĂ©putation d’ĂȘtre un rĂ©alisateur assez grand public et cette fois-ci, vous avez raison, je bifurque vers quelque chose qui dĂ©stabilise davantage. J’étais dans l’humour mainstream depuis mes dĂ©buts avec une prĂ©fĂ©rence pour des comĂ©dies qui se rapprochaient de celles des frĂšres Farrelly (There’s Something About Mary, Dumb and Dumber), mais aussi un peu du genre Jackass pour ensuite toucher aux comĂ©dies plutĂŽt familiales. ZaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ adopte dĂ©finitivement un type d’humour trĂšs diffĂ©rent et j’avoue que j’en suis trĂšs content.

J’ai la rĂ©putation d’ĂȘtre un rĂ©alisateur assez grand public et cette fois-ci [
] je bifurque vers quelque chose qui dĂ©stabilise davantage. 

Fabcaro explore le quotidien de façon trĂšs absurde dans ses romans comme Le Discours (aussi adaptĂ© rĂ©cemment au cinĂ©ma) et dans ses nombreuses BD (l’hilarante et rĂ©cente Moon River). Le tout avec une Ă©conomie de mots et un style trĂšs Ă©purĂ© graphiquement. Pour illustrer son ton comique au grand Ă©cran, il faut user de beaucoup d’imagination car en plus, ses rĂ©cits sont formĂ©s de petites scĂšnes qui s’enchaĂźnent les unes aux autres.

C’est bien vrai et j’avais envie de garder le plaisir de la lecture qui, chez Fabcaro, passe justement par ces scĂšnes trĂšs courtes qui permettent de sauter d’un univers Ă  un autre avec un fil directeur trĂšs tĂ©nu, mais totalement absurde, qui nous autorise Ă  basculer avec plaisir d’une scĂšne de cavale Ă  une scĂšne Ă  l’AssemblĂ©e nationale, par exemple. J’avais tout de mĂȘme peur d’ĂȘtre trop littĂ©ral dans l’adaptation et de perdre le spectateur. Il a donc fallu travailler pour donner une teinte Ă©motionnelle plus forte Ă  l’ensemble. On a donc misĂ© sur la sĂ©paration du couple et la possibilitĂ© de retrouvailles pour les personnages de Fabrice et de son amoureuse. Ça permettait de donner un bel Ă©quilibre Ă  l’ensemble. Visuellement, l’épure du graphisme de Fabcaro nous permet de crĂ©er plein de choses Ă  l’écran. Ça nous a donnĂ© une libertĂ©, comme si tout Ă©tait Ă  faire lors de la mise en images et de la direction artistique.

Fabcaro est au gĂ©nĂ©rique, mais vous avez scĂ©narisĂ© le film principalement avec Jean-Luc Gaget. Comment se sont dĂ©roulĂ©es l’adaptation et l’écriture du scĂ©nario?

Jean-Luc et moi, on a rĂ©ellement travaillĂ© Ă  deux sur l’adaptation et on a rĂ©flĂ©chi Ă  tout ce qu’on pouvait ajouter Ă  l’écran tout en construisant quelque chose de trĂšs homogĂšne par rapport Ă  la BD. Fabcaro, lui, nous faisait confiance et disait : « C’est votre film. Le cinĂ©ma, ce n’est pas mon truc ». On avait une belle libertĂ©, mais on ne voulait pas le trahir non plus. On lui a fait lire les diffĂ©rentes versions du scĂ©nario et il nous a donnĂ© son aval en plus de faire un petit camĂ©o lors du tournage.

Jean-Paul Rouve est un acteur formidable vu dans Dalida, Le Sens de la fĂȘte et Podium notamment. Il est naturellement drĂŽle et dĂ©gage aussi beaucoup de sensibilitĂ© dans ses expressions. Ça fait de lui une victime idĂ©ale face aux hasards de la vie dans une comĂ©die de situation.

Totalement. Nous avions la volontĂ© de travailler ensemble lĂ -dessus. Il se trouve que Jean-Paul, de par son travail dans le groupe d’humoristes les Robins des bois, a une filiation naturelle avec l’humour absurde de Fabcaro. C’était cohĂ©rent dĂšs le dĂ©but. Il dĂ©gage Ă  l’écran ce cĂŽtĂ© clown blanc, le genre de mec qui subit la situation fatalement. Tout ce qui l’entoure dans le film vient crĂ©er la drĂŽlerie en fait. Mais bref, comme acteur principal, d’avoir Jean-Paul, c’est un super choix.

En terminant, le titre de la BD et du film fait rĂ©fĂ©rence Ă  la chanson de Joe Dassin, Siffler sur la colline et Ă  son refrain « zaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ zaï ». Sans blague, le film ne pouvait ĂȘtre rĂ©alisĂ© sans obtenir les droits de la chanson et ainsi la faire entendre dans le film?

C’était absolument important que la chanson soit dans le film effectivement. Je n’ai rien nĂ©gociĂ©, ce n’était pas de mon ressort, mais j’aurais pu avoir des sueurs froides si les choses s’étaient mal passĂ©es. Heureusement, au final, on a eu les droits (rire). |

Cette entrevue a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans le cadre des Rendez-vous du cinĂ©ma 2022 d’UniFrance.