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Par

Bruno Coulais

Avec sa chevelure blanche, sa bouille familiĂšre et son faciĂšs anguleux, Bruno Coulais rappelle Ă  la fois Olivier Niquet et GĂ©rard Darmon. Au fil des 30 derniĂšres annĂ©es, ce Parisien d’origine a su crĂ©er pour le grand Ă©cran des musiques singuliĂšres et variĂ©es, alternant le style de ses compositions pour mieux Ă©pouser les atmosphĂšres de films relevant autant du drame, de la comĂ©die, du polar que du documentaire. Cet Ă©tĂ©, le compositeur Ă©mĂ©rite ajoute Ă  son palmarĂšs la musique du nouveau long mĂ©trage de Patrice Leconte, Maigret, centrĂ© sur le cĂ©lĂšbre commissaire crĂ©Ă© par Georges Simenon qui en a fait le personnage principal de 75 de ses romans et qui, Ă  l’écran, prend ici les traits de l’immense GĂ©rard Depardieu. Maigret n’est que l’un des quelques films portĂ©s par la musique de Bruno Coulais qui sortiront cette annĂ©e, car l’artiste est aussi sollicitĂ© que prolifique. Petit portrait d’un crĂ©ateur qui marque de ses notes le cinĂ©ma français depuis prĂšs de 40 ans.

PrĂšs de la moitiĂ© du travail de Bruno Coulais est liĂ© au petit Ă©cran. Le compositeur a participĂ© Ă  un grand nombre de tĂ©lĂ©films français, mais aussi Ă  plusieurs sĂ©ries d’envergure. À titre d’exemple, la reine des sĂ©ries historiques, JosĂ©e Dayan, a fait appel Ă  ses services pour Ă©laborer les musiques du Comte de Monte-Cristo (avec Depardieu), de sa relecture des Rois maudits (encore avec Depardieu) et de son tĂ©lĂ©film Balzac (avec, ĂŽ surprise, Depardieu).

NĂ© en 1954, Bruno Coulais, pianiste et violoniste de formation, fait ses premiers pas au cinĂ©ma au milieu des annĂ©es 70 en travaillant sur la musique de quelques courts mĂ©trages. De façon discrĂšte, il s’impose peu Ă  peu en collaborant Ă  plusieurs longs mĂ©trages tout en dĂ©veloppant de belles affinitĂ©s avec certains cinĂ©astes. Plusieurs feront rĂ©guliĂšrement appel Ă  ses services durant les dĂ©cennies qui suivront, dont Christine Pascal pour laquelle il composera trois trames sonores, entre autres celle du film Le Petit Prince a dit. Si Coulais alterne entre les projets associĂ©s au petit et au grand Ă©cran, il voit son succĂšs se faire sentir surtout grĂące aux musiques accolĂ©es Ă  des titres rassembleurs ayant sĂ©duit les critiques ou le grand public comme le trĂšs beau Le Fils du requin d’AgnĂšs Merlet, le Don Juan de Jacques Weber ou encore la comĂ©die lubrique La DĂ©bandade signĂ©e Claude Berri.

Bruno Coulais a Ă©tĂ© plusieurs fois rĂ©compensĂ© pour ses trames sonores, remportant le CĂ©sar de la meilleure musique de film Ă  trois reprises, soit en 1997 pour Microcosmos : le peuple de l’herbe, en 2000 pour Himalaya : l’enfance d’un chef et en 2005 pour Les Choristes. Pour ce dernier titre, il a reçu une nomination aux Oscars dans la catĂ©gorie de la meilleure chanson originale avec Vois sur ton chemin.

En 1996, Microcosmos : le peuple de l’herbe connaĂźt un succĂšs inattendu en salle pour un documentaire. Les critiques sont dithyrambiques et saluent de surcroĂźt la musique hypnotisante et singuliĂšre du film. Coulais dĂ©montre ici sa versatilitĂ© comme musicien et compositeur, en plus de faire preuve d’une audace crĂ©ative surprenante qui fonctionne Ă  merveille Ă  l’écran. Suivront les musiques de tĂ©lĂ©sĂ©ries et films en tous genres comme le suspense qui cartonne (Les RiviĂšres pourpres), le drame Ă©pique (Vidocq), les documentaires animaliers (Le Peuple migrateur, La PlanĂšte blanche), le mĂ©lodrame historique (Les Choristes), la comĂ©die loufoque (Brice de Nice), les films d’animation (Coraline, Les Wolfwalkers), les adaptations BD (Lucky Luke, Sur la piste du Marsupilami) et la comĂ©die noire (La Daronne). Bref, actuellement, le musicien a posĂ© son nom sur prĂšs de 300 productions.

Patrice Leconte est l’homme derriĂšre la trilogie des BronzĂ©s, des films Ridicule et Le Mari de la coiffeuse. Avec Maigret, il rĂ©alise son 31e long mĂ©trage et plonge pour une seconde fois dans l’univers littĂ©raire de Georges Simenon. En effet, Leconte avait adaptĂ© avec succĂšs au grand Ă©cran, en 1989, le roman Les Fiançailles de M. Hire avec Michel Blanc dans le rĂŽle principal. Maigret permet aussi Ă  Bruno Coulais de renouer avec Simenon, car Ă  ses dĂ©buts, en 1987, il avait composĂ© la musique d’un Ă©pisode de la sĂ©rie tĂ©lĂ© française L’Heure Simenon. Pour le film de Leconte, Coulais a concoctĂ© des musiques lĂ©gĂšrement inquiĂ©tantes, voire brumeuses, seyant parfaitement Ă  l’enquĂȘte policiĂšre au cƓur du rĂ©cit. La bande sonore du film est en vente en format numĂ©rique depuis le mois de fĂ©vrier.

2021 aura Ă©tĂ© une autre annĂ©e chargĂ©e pour Bruno Coulais qui a travaillĂ© sur pas moins de quatre films (un rythme habituel en ce qui le concerne), des Ɠuvres qui prendront l’affiche en salle dans les prochains mois. Fin juillet, au QuĂ©bec, il y aura bien sĂ»r le Maigret de Patrice Leconte, puis Ă  l’automne on attend la sortie de L’Homme de la cave de Philippe Le Guay avec François Cluzet. Suivront Wendell & Wild, film d’animation rĂ©alisĂ© par Henry Selick, et le documentaire The Forestmaker de Volker Schlöndorff. Si tant de cinĂ©astes font appel Ă  ses services, c’est que Bruno Coulais a su proposer des tonalitĂ©s autres que celles associĂ©es Ă  la tradition musicale française au cinĂ©ma. Le musicien adore travailler sur diffĂ©rents genres filmiques et ainsi offrir des mondes musicaux Ă©pars. L’influence des cultures Ă©trangĂšres se fait souvent sentir tout comme sa passion pour la musique contemporaine. Sa propension Ă  faire appel aux chƓurs est Ă©galement flagrante, que ce soit avec les voix d’enfants ou encore la polyphonie corse d’A Filetta. Ce qui rĂ©sume assez bien pourquoi les prochaines musiques de films de Bruno Coulais n’ont pas fini de nous Ă©merveiller. |