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CinĂ©ma – Mode d’emploi : les cascadeurs

L’hiver est bel et bien derriĂšre nous et la belle saison s’apprĂȘte Ă  cogner Ă  nos portes. Toujours fidĂšles au rendez-vous, les studios de cinĂ©ma se prĂ©parent Ă  nous en mettre plein la vue Ă  ce moment de l’annĂ©e. L’étĂ©, c’est la saison des blockbusters. Et la cuvĂ©e 2023 s’annonce particuliĂšrement excitante pour les amateurs de films d’action qui seront bien servis. Cela commence dĂšs ce mois-ci avec Fast X, dixiĂšme Ă©pisode de la sĂ©rie des Rapides et dangereux, qui ajoute Ă  sa distribution dĂ©jĂ  bien musclĂ©e l’acteur Jason Momoa comme nouvel antagoniste. Attachez votre ceinture et accrochez-vous Ă  votre pop-corn, car il n’y a pas de limite de vitesse ici!

Au mois de juin, les cinĂ©philes plus nostalgiques ne voudront pas manquer le grand retour d’Indiana Jones au cinĂ©ma. Dans le rĂŽle-titre du cĂ©lĂšbre archĂ©ologue, Harrison Ford revient pour une cinquiĂšme et derniĂšre folle aventure. À 80 ans, on ne lui en veut pas trop d’avoir envie de ranger son fouet.

Et puis viendra juillet, oĂč l’intrĂ©pide Tom Cruise fera l’impossible pour notre plus grand plaisir. DivisĂ© en deux parties, dont la deuxiĂšme prĂ©vue pour l’étĂ© 2024, Mission impossible – bilan mortel promet des scĂšnes d’action Ă©poustouflantes et des cascades vertigineuses. FidĂšle Ă  sa rĂ©putation, Tom Cruise a une fois de plus insistĂ© pour exĂ©cuter lui-mĂȘme ses cascades, dont une oĂč il se projette dans le vide sur une motocyclette. Rien de moins.

N’empĂȘche que les acteurs comme Tom Cruise sont infiniment rares. Pour la grande majoritĂ© des productions cinĂ©matographiques, on fait appel Ă  des doublures, des cascadeurs professionnels qui remplacent les comĂ©diens lorsque des scĂšnes comportent des risques de blessures importants. C’est un mĂ©tier dont on parle peu et le magazine MonCinĂ© tient Ă  combler ce vide. Nous nous sommes donc entretenus avec Thomas Liccioni, un cascadeur bien de chez nous qui pratique ce mĂ©tier depuis une vingtaine d’annĂ©es. Sa feuille de route est impressionnante : il a Ă©tĂ©, entre autres, la doublure de Leonardo DiCaprio, pour le film Le Revenant, et celle de Michael Fassbender, dans plusieurs films de la sĂ©rie des X-Men. Depuis quelques annĂ©es, il est Ă©galement coordonnateur de cascades.

« Le mĂ©tier de cascadeur comporte des risques rĂ©els pour le corps puisqu’il s’agit effectivement d’encaisser de nombreux chocs. »

Thomas Liccioni ne s’est certes pas levĂ© un matin avec le dĂ©sir de devenir cascadeur. Ce sont ses passions qui l’ont menĂ© sur ce terrain comme c’est souvent le cas pour la plupart de ses confrĂšres. Il a longtemps jouĂ© au hockey, mais le sport compĂ©titif ne l’intĂ©ressait guĂšre. C’est plutĂŽt le dĂ©passement de soi qui l’a menĂ© vers les sports extrĂȘmes comme le rollerblade oĂč il a dĂ©veloppĂ© une expertise. GrĂące Ă  cette spĂ©cialitĂ©, il a participĂ© au tournage du remake de Rollerball de John McTiernan. MalgrĂ© l’échec du film, cette expĂ©rience lui a donnĂ© la piqĂ»re : « C’est Ă  ce moment-lĂ  que j’ai rĂ©alisĂ© que je pouvais me faire payer pour me casser la gueule, au lieu de le faire gratuitement! »

Le mĂ©tier de cascadeur comporte des risques rĂ©els pour le corps puisqu’il s’agit effectivement d’encaisser de nombreux chocs. Il n’y a pas de compromis Ă  cet Ă©gard. Il faut donc pouvoir carburer Ă  l’adrĂ©naline, sans avoir froid aux yeux. D’ailleurs, Thomas Liccioni ne s’en cache pas, il a subi quelques blessures au fil des annĂ©es : coude cassĂ©, foulure Ă  la cheville et commotion ne sont que quelques exemples. Et il en parle comme si c’était complĂštement normal. « On minimise le risque le plus possible. Mais, il y a toujours des blessures. Ce n’est jamais cent pour cent sĂ©curitaire. C’est pour ça qu’on est bien payĂ©! Donc, quand on te demande de dĂ©bouler les escaliers, tu dĂ©boules les escaliers. Et quand on te demande de te faire frapper par une voiture, tu te fais frapper par une voiture. Ce sont les coups de poing qu’on Ă©vite de se donner pour vrai, car ça n’a pas de sens de subir ça. C’est beaucoup trop dangereux. » Effectivement, pour ces sĂ©quences prĂ©cisĂ©ment, les cinĂ©astes peuvent donc tricher Ă  l’aide de cadrages judicieux de camĂ©ra et de juteux effets sonores.

MĂȘme s’ils ont soif de danger, Thomas Liccioni conseille Ă  ceux qui voudraient devenir cascadeurs de cultiver de saines habitudes de vie. « Oui, il faut ĂȘtre tĂ©mĂ©raire, mais il ne faut pas ĂȘtre fou non plus. Comme les athlĂštes, on essaie d’avoir une carriĂšre qui dure. On s’entraĂźne, on s’étire et on prend soin de notre corps contrairement Ă  la premiĂšre gĂ©nĂ©ration de cascadeurs qui, elle, Ă©tait composĂ©e de vĂ©ritables cowboys. Et la journĂ©e de tournage se terminait souvent au bar
 Nous, on va se coucher! », dit-il en riant. Par ailleurs, il recommande aux personnes intĂ©ressĂ©es de suivre des cours d’arts martiaux et de gymnastique, car les cascadeurs doivent avoir une parfaite maĂźtrise de leur corps et ĂȘtre en pleine forme.

Thomas Liccioni est d’accord avec le fait qu’au sein de l’industrie du cinĂ©ma, le mĂ©tier de cascadeur manque un peu d’amour. « Nous sommes les seuls Ă  ne pas ĂȘtre reconnus aux Oscars », prĂ©cise-t-il. C’est un mĂ©tier longtemps gardĂ© dans l’ombre puisque, selon lui, ce n’était pas Ă  l’avantage des promoteurs d’en parler, surtout dans les annĂ©es 1980, lorsque les films d’action avaient grandement la cote. « MĂȘme si des vedettes de films d’action avaient voulu faire leurs propres cascades, explique-t-il, les compagnies d’assurances les auraient ultimement empĂȘchĂ©es de le faire. Il n’y a qu’un Tom Cruise pour le faire. Étant lui-mĂȘme producteur, donc son propre patron, il peut se donner le droit d’exĂ©cuter lui-mĂȘme ses cascades. »

En conclusion, nous avons demandĂ© Ă  Thomas Liccioni si Tom Cruise allait Ă©ventuellement frapper un mur. Sa rĂ©ponse donne des frissons : « Je veux dire non, parce que je le trouve gĂ©nial, admet-il. Il est beaucoup plus qu’un acteur qui exĂ©cute ses cascades, il EST cascadeur, mais
 C’est une question de statistique
 Si tu joues souvent avec le feu, tu vas finir par te brĂ»ler. » Cela rĂ©sume Ă  la perfection le mĂ©tier de cascadeur et les risques qui, fatalement, en dĂ©coulent. |